André Chénier

(Constantinople 1762 – Paris 1794)

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La jeune captive (extrait)

L’épi naissant mûrit de la faux respecté ;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l’été 
Boit les deux présents de l’aurore ; 
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui, 
Quoique l’heure présente ait de trouble et d’ennui, 
Je ne veux point mourir encore. 
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Aux frères de Pange (extrait)

Vous restez, mes amis, dans ces murs où la Seine
Voit sans cesse embellir les bords dont elle est reine,
Et près d’elle partout voit changer tous les jours
Les fêtes, les travaux, les belles, les amours.
Moi, l’espoir du repos et du bonheur peut-être,
Cette fureur d’errer, de voir et de connaître,
La santé que j’appelle et qui fuit mes douleurs
(Bien sans qui tous les biens n’ont aucunes douceurs),
A mes pas inquiets tout me livre et m’engage.
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Nous verrons tous ces lieux dont les brillants destins
Occupent la mémoire ou les yeux des humains :
Marseille où l’Orient amène la fortune ;
Et venise élevée à l’hymen de Neptune ;
Le Tibre, fleuve-roi, Rome, fille de Mars,
Qui régna par le glaive et règne par les arts ;
Athènes qui n’est plus, et Byzance, ma mère ;
Smyrne qu’habite encore le souvenir d’Homère.
Croyez, car en tous lieux mon cœur m’aura suivi,
Que partout où je suis vous avez un ami.
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André Chénier-Poésies, Grands Écrivains,1987
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