Ibn Arabi

(Murcie 1165 – Damas 1240)

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De moi je me détache, mais le désir m’absorbe.
Je fréquente l’aimé mais je ne peux guérir.
Car le désir demeure quand l’aimé est absent,
Comme il est persistant pendant qu’il est présent.
Sa rencontre cependant vient susciter en moi
Un état dans mon âme assez inopiné.
Mais à la guérison en moi se substitua
Une affection nouvelle née du transport d’amour,
En découvrant un être dont la beauté s’accrût
Dès le premier moment où je la rencontrai
Dans sa beauté splendide et sa magnificence.
Mais il convient alors qu’il garde avec l’aimé
Un lien d’affinité dans son débordement,
Quand devant la beauté se développe en lui
Une union concordante pleinement épanouie.
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L’amant passionné, possédé par l’amour,
Est toujours à se plaindre
D’être séparé de l’aimé
Ou d’être éloigné de lui.
Loin de moi cet état !
Car dans l’imagination
Le bien-aimé demeure
Toujours en ma présence.
De moi il procède,
Il me compénètre,
Et reste en mon intimité.
Pourquoi alors dirais-je :
Que m’arrive-t-il ? Que m’arrive-t-il ?
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Ô être démuni ! tu restes submergé
Dans l’océan profond de la méconnaissance.
Écoute ma parole ! Prends ma sagesse intime !
Car je suis enseignant jouissant de la faveur.
Par le sept et le dix et le cinquante après,
Tu réalises dès lors mon union par le deux.
Tu obtiens la figure d’un carré idéal
Qui perfectionne en elle union et disjonction.

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Traité de l’amour, traduction de Maurice Gloton, Éditions Albin Michel, 1986.
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