Stéphane Mallarmé

(Paris 1842 – Valvins 1898)

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Angoisse (extrait)

Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
Dans tes cheveux impurs une triste tempête
Sous l’incurable ennui que verse mon baiser
Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts. 
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Soupir (extrait)

Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
Un automne jonché de taches de rousseur
Et vers le ciel errant de ton œil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur !
- Vers l’Azur attendri d’Octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.
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Poésie, Éditions de la nouvelle revue française, 1926
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